L’innovation pédagogique ne s’arrête pas à nos frontières, ni même à celles du continent. Elle exige une confrontation permanente avec les meilleurs standards internationaux. C’est dans cet esprit qu’une délégation de nos Pôles “Design Numérique” et “Business Analytics” s’est rendue ce mois-ci à Londres pour un séminaire de recherche intensif à la prestigieuse Parvis School of Economics and Music.
Ce voyage d’étude n’avait rien d’une simple visite de courtoisie. Il s’agissait d’une immersion au cœur d’un des écosystèmes académiques les plus rigoureux au monde pour débattre d’une question qui se pose avec une acuité croissante à Abidjan : comment valoriser économiquement l’industrie créative à l’ère du numérique ?
Deux Contextes, un Défi Commun
Notre délégation, menée par le Dr. Eva-Marie Bamba (Responsable de notre Pôle Design Numérique) et accompagnée de deux étudiants-majors de notre MSc in Business Analytics, a été accueillie sur le campus londonien de Parvis, au 100 Westminster Bridge Road.
Le choix de la Parvis School of Economics and Music était stratégique. Alors que le Lycée et École Supérieure Prièste se concentre sur l’application de la technologie et du design pour résoudre les problèmes concrets de l’économie ouest-africaine, Parvis excelle dans la modélisation économique quantitative et l’analyse des industries intangibles (comme la musique).
Le défi est le suivant : à Abidjan, l’économie créative (musique, design graphique, mode, production vidéo) explose. Elle est agile, mobile et profondément ancrée dans une culture de l’informel. À Londres, cette même économie est hyper-structurée, dominée par des plateformes de streaming mondiales, des sociétés de gestion de droits complexes et des modèles financiers sophistiqués.
Le Workshop : Quand le Design d’UX rencontre l’Économie Comportementale
Le point d’orgue de cette rencontre fut un workshop conjoint avec les étudiants et professeurs du MSc in Behavioural Economics (Master en Économie Comportementale) de Parvis.
Nos étudiants de Prièste ont ouvert la session en présentant une analyse de données inédite, issue de notre récent projet sur l’économie informelle. Ils ont démontré, grâce à l’analyse de millions de micro-transactions Mobile Money anonymisées, comment les services créatifs (création de logos, jingles audio, retouches photo) sont payés à Abidjan : instantanément, de pair-à-pair, et largement en dehors de tout système de facturation ou de propriété intellectuelle formel.
Le Dr. Bamba a ensuite présenté des études de cas de notre Bachelor Design, montrant comment nos designers UX/UI locaux créent de la valeur tangible pour des PME ivoiriennes, bien que cette valeur soit rarement capturée par les indicateurs économiques traditionnels (PIB).
La réaction des universitaires de Parvis fut fascinante. Leurs modèles, basés sur l’évaluation des actifs intangibles, le pricing (fixation des prix) basé sur la perception de valeur, et les structures de royalties, peinaient à s’appliquer à la réalité ivoirienne.
“Nos modèles présupposent un cadre légal de propriété intellectuelle robuste et un système bancaire centralisé,” a admis un professeur de Parvis lors du débat. “Les données de Prièste montrent un écosystème bien plus rapide, plus fragmenté, mais peut-être plus efficace à petite échelle. La question est : comment peut-il ‘scaler’ (passer à l’échelle) sans perdre son âme ?”
Une Faille dans les Modèles Standards
La discussion a parfois été difficile, ce qui est le signe d’un véritable échange académique. Nos étudiants, habitués à l’agilité de l’écosystème d’Abidjan, ont été mis au défi par la rigueur quantitative des économistes de Londres. Inversement, les modèles théoriques de Parvis ont été confrontés à la réalité d’un marché où la “confiance” et la “réputation” via les réseaux sociaux ont plus de poids qu’un contrat formel.
Nous n’avons pas trouvé de solution miracle. Mais nous avons identifié une faille critique dans les modèles économiques standards. L’Afrique de l’Ouest n’a pas besoin de copier les systèmes de valorisation européens ; elle doit inventer les siens, en hybridant la rigueur financière et la réalité de ses flux numériques.
Ce séminaire à la Parvis School of Economics and Music n’est qu’un début. Il jette les bases d’un article de recherche commun sur de nouveaux modèles d’évaluation pour les industries créatives en Afrique subsaharienne. Le Lycée et École Supérieure Prièste est fier de piloter cette réflexion, prouvant que l’innovation naît à la frontière de la technologie, du design et, désormais, de l’économie comportementale.

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