Alors que l’année académique touche à sa fin, l’effervescence au sein du Lycée et École Supérieure Prièste n’est pas seulement due aux examens. Elle culmine avec la présentation des “Grands Projets” de semestre, des travaux qui forcent nos étudiants à sortir des salles de cours pour se confronter à la complexité du réel. Cette session, un projet en particulier a capté l’attention de nos partenaires industriels et environnementaux : une initiative conjointe de nos étudiants du Bachelor en Ingénierie et Systèmes Intelligents et du Bachelor en Design Numérique et Création Multimédia.
Leur défi : concevoir, prototyper et rendre intelligibles des données sur l’un des enjeux majeurs d’Abidjan : la qualité de l’eau de la lagune Ébrié.
Le Défi Technique : Mesurer l’Invisible
La lagune est le cœur économique et social d’Abidjan, mais elle est aussi le réceptacle de pressions urbaines et industrielles intenses. La simple “observation” ne suffit plus ; une gestion durable exige des données fiables, en temps réel.
Sous la supervision du Dr. Samuel N’Guessan, nos étudiants en Ingénierie (Pôle IoT) ont passé le semestre à relever un défi de taille : comment fabriquer des capteurs de qualité de l’eau qui soient à la fois low-cost, robustes et connectés ?
“Acheter des sondes industrielles suisses est une chose. Les concevoir pour qu’elles résistent à l’humidité, à la salinité et aux chocs dans un contexte budgétaire contraint, c’en est une autre,” explique le Dr. N’Guessan. Les étudiants ne se sont pas contentés d’assembler des composants. Ils ont dû modéliser et imprimer en 3D des boîtiers étanches, résoudre des problèmes d’alimentation (panneaux solaires miniatures) et, surtout, gérer la transmission des données.
Les premiers prototypes étaient trop lourds. Les seconds ont pris l’eau. C’est en échouant qu’ils ont appris. Le résultat final : trois prototypes fonctionnels, capables de mesurer la turbidité (la “clarté” de l’eau) et le taux d’oxygène dissous, et de transmettre ces données via un réseau LoRaWAN (longue portée, basse consommation) vers notre serveur au PAD-Lab.
Le Défi Humain : Rendre la Donnée Actionnable
À ce stade, le projet n’était qu’une réussite technique. Il manquait l’essentiel : l’interface humaine. C’est là que les étudiants du Dr. Eva-Marie Bamba (Pôle Design Numérique) sont intervenus.
“Des données brutes, même précises, sont inutiles si elles ne sont pas comprises,” rappelle le Dr. Bamba. “Notre travail, au Studio de Design Inclusif (SDI), n’est pas de ‘faire joli’. Il est de traduire la complexité en information décisionnelle.”
L’équipe de design a mené des ateliers avec deux types d’utilisateurs très différents : les chercheurs du Centre Ivoirien Antipollution (CIAPOL), notre partenaire sur ce projet, et des représentants d’une coopérative de pêcheurs de la lagune. Les besoins n’étaient absolument pas les mêmes.
Le résultat fut la création de deux interfaces distinctes, alimentées par la même source de données :
- Un Dashboard Technique (pour CIAPOL) : Une interface web sécurisée, dense, permettant aux scientifiques de visualiser les courbes, de croiser les données avec la pluviométrie et d’exporter les journaux bruts pour leurs propres modèles de recherche.
- Une Web-App Publique (pour les Usagers) : Une application mobile légère (accessible sans installation), basée sur une cartographie simplifiée. Fini les graphiques complexes. L’état de l’eau est représenté par un code couleur simple et une iconographie intuitive, permettant à un pêcheur de visualiser en un coup d’œil les zones où le taux d’oxygène est anormalement bas.
La Méthode Prièste : Briser les Silos
Ce projet est l’incarnation de notre philosophie pédagogique. Pendant des semaines, les ingénieurs se sont plaints que les designers demandaient des fonctionnalités impossibles, et les designers ont reproché aux ingénieurs de ne pas comprendre l’expérience utilisateur.
Ils ont dû apprendre à parler le même langage. Les designers ont dû comprendre ce qu’était une contrainte de “transmission de paquets” de données, et les ingénieurs ont dû admettre que l’emplacement d’un bouton ou le choix d’une couleur n’était pas un détail, mais le cœur de l’adoption du projet.
Le Lycée et École Supérieure Prièste est fier de ce jalon. Il ne s’agit pas encore d’une solution déployée à grande échelle, mais d’un prototype fonctionnel et pertinent, né à Abidjan, pour Abidjan. Les discussions sont déjà en cours avec le CIAPOL pour tester ces trois capteurs in situ dans la baie de Cocody dès le premier trimestre de l’année prochaine.

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