Droit OHADA et FinTech : Prièste publie un Livre Blanc sur les frictions juridiques du Mobile Money

Le début de l’année 2025 est l’occasion de dresser le bilan des travaux de recherche de nos cycles supérieurs. Au Lycée et École Supérieure Prièste, nous sommes convaincus que l’innovation technologique ne peut être durable si elle ne s’accompagne pas d’une réflexion profonde sur son cadre. C’est pourquoi nous sommes fiers de publier ce mois-ci un Livre Blanc très attendu, fruit d’un projet de recherche intensif mené par notre Pôle “Commerce, Management et Finance”.

Intitulé “FinTech, Mobile Money et Droit OHADA : Quantifier le risque d’un décalage”, ce document est le résultat d’une collaboration unique entre le Dr. Hélène Konan, notre Maître de Conférences en Droit et Finance, et la promotion de notre MSc in Business Analytics & Transformation Digitale.

Le Paradoxe Ivoirien : Une Innovation Plus Rapide que la Loi

Le contexte est connu de tous à Abidjan : la Côte d’Ivoire est un leader continental de l’inclusion financière grâce à l’explosion des services de Mobile Money. Ces plateformes (Orange Money, MTN, Moov) ne sont plus de simples outils de transfert ; elles sont devenues la pierre angulaire du micro-crédit, de l’assurance et de l’épargne, notamment pour le secteur informel (comme l’ont démontré nos précédentes recherches).

Cependant, un “éléphant dans la pièce” juridique freine la pleine maturité de cet écosystème. L’essentiel de notre cadre commercial est régi par le droit uniforme de l’OHADA (Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires). Or, ce droit a été conçu à une époque pré-numérique, pour des transactions matérialisées, des contrats signés sur papier et des garanties (sûretés) physiques.

Comme le souligne le Dr. Konan dans l’introduction du Livre Blanc : “Nous avons d’un côté la FinTech, qui fonctionne à la vitesse de la 4G sur la base de la donnée, et de l’autre, un droit commercial qui fonctionne encore à la vitesse du papier timbré.”

L’Analyse “Legal Tech” : Quand la Data Révèle les Failles du Droit

Là où ce projet Prièste innove, c’est qu’il ne s’agit pas d’une simple analyse doctrinale. Nos étudiants du MSc Business Analytics ont appliqué leurs compétences en analyse de données pour quantifier cette friction.

Leur méthodologie a été double :

  1. Analyse Juridique (Qualitative) : L’équipe a analysé la jurisprudence récente de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’OHADA, ainsi que les Actes Uniformes pertinents (Droit commercial général, Sûretés, Droit des contrats).
  2. Analyse de Données (Quantitative) : En s’appuyant sur des jeux de données anonymisés de transactions (similaires à nos projets précédents), ils ont modélisé la part des transactions de micro-crédit “FinTech” qui tombent dans un vide juridique.

Trois Frictions Majeures Identifiées

Le Livre Blanc met en lumière trois points de blocage critiques qui menacent la sécurité juridique des utilisateurs et des investisseurs :

1. Le Défi de la Preuve Électronique (La Preuve) En droit OHADA, la preuve d’une obligation commerciale repose largement sur l’écrit papier. Qu’en est-il d’un micro-crédit accordé via une simple validation par code USSD ? L’analyse montre que si l’écrit électronique est reconnu, son admissibilité en tant que “commencement de preuve” reste floue et soumise à l’interprétation des juges du fond, créant une incertitude majeure pour le recouvrement de créances.

2. Le Vide des Sûretés Numériques (Les Garanties) L’Acte Uniforme sur les Sûretés est pensé autour de biens tangibles (hypothèque sur un immeuble, gage sur un stock). Or, les FinTech accordent des prêts en se basant sur un “scoring” comportemental, une réputation numérique issue de l’analyse des données (flux d’appels, habitudes de recharge). Cette “donnée” est le véritable collatéral. L’étude de Prièste démontre que cette garantie, bien que prédictive, n’a aucune existence légale en tant que sûreté reconnue par l’OHADA.

3. L’Inadéquation avec l’Économie Informelle Le droit commercial OHADA est conçu pour des “commerçants” immatriculés au RCCM (Registre du Commerce et du Crédit Mobilier). Nos étudiants en Business Analytics ont estimé que plus de 75% des utilisateurs intensifs de micro-crédit FinTech sont des acteurs du secteur informel, non immatriculés. Ils opèrent dans un “non-droit” commercial, ce qui empêche leur croissance et leur transition vers le secteur formel.

Un Appel à l’Innovation Réglementaire

Ce Livre Blanc n’est pas une critique stérile ; c’est un outil de diagnostic. Il conclut par des recommandations concrètes, appelant à un “choc de modernisation” du droit OHADA, peut-être via un nouvel Acte Uniforme dédié aux transactions électroniques et aux sûretés numériques.

Pour le Lycée et École Supérieure Prièste, ce travail confirme notre mission : former des experts hybrides, capables de comprendre aussi bien un algorithme de scoring qu’un article de l’Acte Uniforme. C’est à cette intersection que se trouvent les véritables clés du développement économique ivoirien.


Comments

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *